Hier soir, après mon gros manque d’inspiration, nous nous sommes installés avec mon cher et tendre devant la télévision. Rien d’étonnant jusque là, nous le faisons assez régulièrement. Sauf que hier soir, nous avons regardé un documentaire. Ça déjà, c’est plus rare.
En effet, Télérama recommandait chaudement un documentaire sur Planète sur le suicide de Jonestown. Un temps où les hommes n’attendaient pas les catastrophes naturelles pour se détruire. Télérama avait raison (je ne dirai pas comme d’habitude, parfois quand même ils poussent le bouchon un peu loin à trouver fantastiques des émissions complètement rasoirs), c’était super intéressant. Je me suis d’ailleurs rendue compte à la fin que ça datait de 2006, donc j’ai dû le rater il y a quelques années, mais bon, là j’ai regardé. Et c’était à la fois intéressant et complètement terrifiant.
Donc pour résumer, c’était la fin des années 60, un prêcheur de l’Indiana qui vient du mauvais côté des rails décide de monter une communauté et choisit de l’installer au nord de la Californie. Moitié kibboutz trois-quarts secte complètement dingue, cette communauté parcourt les US en bus pour recruter des membres lors de grands prêches qui ont dû inspirer les télévangélistes d’aujourd’hui, avec guérison factice d’aveugles et de paralytiques. La communauté devient tellement importante qu’ils apportent un soutien non négligeable à l’élection du maire de San Francisco (déjà, les liens entre secte et politique…) de l’époque, et le prêcheur se retrouve remercié par la présidence d’une commission municipale.
Mais bien sûr, certains membres de la secte finissent par réussir à partir, et parlent des abus, du manque de sommeil, du fait que leur salaire est complètement versé à la secte, de certaines réunions où ils parlent de sexe, de l’emprise du « père », Jim Jones, sur les membres. Et la veille de la parution d’un article à charge contre lui, Jim Jones envoie sa communauté en Guyane, où il avait déjà envoyé des éclaireurs préparer une nouvelle ville loin de la vie occidentale, du racisme, etc, Jonestown.
Un an plus tard, lors d’une visite d’un député américain, Léo Ryan, venu voir si les gens à Jonestown étaient libres de rentrer chez eux à la demande de leurs familles restées aux US, c’est le drame : certains membres veulent partir, cela se sait, le député et son entourage sont attaqués au pied de leur avion, et Jim Jones convainc plus de 900 personnes de se donner la mort en buvant du cyanure.
Outre les faits, le documentaire était très fin dans la présentation des raisons des adhésions. D’anciens membres, dont certains rescapés du massacre de Jonestown, qui avaient perdu là-bas femme, enfants, familles entières, étaient sobres, dignes, et émouvants dans le bon sens du terme. Et on regarde ce petit bout d’homme, Jim Jones, derrière son pupitre de prêcheur, parler de paradis, de monde meilleur, guérir des gens, et on se dit : comment ont-ils pu croire ? Ils ont l’air intelligents, sensés, comment ont-ils pu se laisser embarquer là-dedans ? Déménager des familles entières, remettre leurs salaires pour ceux qui travaillaient en dehors de la communauté, travailler une deuxième journée en rentrant du travail extérieur sur la communauté…
Est-ce dû à la période ? Les années 60, Peace and Love, Harvey Milk, la foi en un monde meilleur où tous les hommes seraient égaux… Et tout cela ensuite détourné par Jim Jones en une paranoïa féroce contre le reste du monde en général et le gouvernement américain en particulier (en Guyane, il leur racontait que les Noirs et les Indiens d’Amérique n’étaient plus considérés aux US comme des citoyens à part entière). Le documentaire ne fait aucun lien. Il montre, mais n’explique pas. Il reste délicatement en dehors du sujet, comme si toute incursion était inutile. Chaque ancien membre de la secte se posait d’ailleurs encore la question, près de 20 ans après le drame, du pourquoi. Sans trouver de réponse.
Et je me disais, la période actuelle est propice à un nouveau Jim Jones. Bien sûr, les raisons seraient différentes. Il évoquerait la colère de Dieu qui réveille les eaux, puis les volcans, puis détruit les machines de hommes pour polluer les eaux, la faune, la flore. Il donnerait des consignes pour agir en cohérence avec les écritures, raison de la colère de Dieu. Il dirait : il faut que les femmes soient plus pudiques pour qu’il n’y ait pas de tremblement de terre. Tiens, ça me rappelle quelque chose…