The greatest trade ever, the longest read ever

Ça faisait longtemps que je n’avais pas écrit de critiques de livre, et même s’il est vrai que les séries m’ont beaucoup occupé, la raison principale, c’est que le dernier livre que j’ai lu, j’ai mis longtemps. Très longtemps.

Le dernier livre que j’ai lu, c’est « The Greatest Trade Ever », de Gregory Zuckerman, journaliste au Wall Street Journal. L’histoire des subprimes et de ceux qui s’en sont enrichis, dont en particulier John Paulson, à présent de notoriété mondiale.

Je n’ai pas mis longtemps à le lire par manque d’intérêt, au contraire ; mais les CDS et autres produits dérivés toxiques, c’est complexe. Voire compliqué. N’ayant jamais eu un goût particulier pour la finance (faire de l’argent avec de l’argent, ça ne m’a jamais intéressé, malheureusement quand on lit les sommes faramineuses gagnées), j’ai dû m’accrocher sur les passages techniques qui décrivent les produits, leurs constructions, leur invention parfois, et les conséquences.

Le livre est absolument passionant. Zuckerman écrit de façon didactique (je pense qu’il y a 80% du bouquin que j’ai compris du premier coup), mais son sujet est juste ardu. Il s’attaque à faire comprendre au commun des mortels comment cela fonctionne – enfin quand je dis au commun des mortels, il faut une bonne base des marchés financiers, mais rien d’inatteignable, et il s’y attache avec pédagogie et passion. Il connaît apparemment bien les protagonistes, il a mené de nombreux interviews, et donne un visage humain à la plus grande crise financière de tous les temps. Parce qu’il ne décrit pas que l’histoire de Paulson : il décortique le marché, les positions des banques qui ne se posaient pas de questions, les autres parieurs contre les subprimes qui eux aussi ont gagné beaucoup d’argent, et tout cela avec une humanité profonde et, je le redis, une pédagogie hors pair.

Ce qui est passionnant dans l’histoire des subprimes, ce n’est évidemment pas les sommes faramineuses qui ont été gagnées. C’est comment on en est arrivé là. Comment les marchés mondiaux, les banques autour du globe, se sont laissées emballer par un marché de l’immobilier américain qui ne répondait plus à aucun modèle, sans que cela n’inquiète personne, ou presque. L’histoire la plus intéressante est d’ailleurs celle d’un trader de Deutsche Bank (parce qu’il n’y avait pas que les banques américaines qui s’y sont laissées prendre) qui avait vu le truc venir et a essayé de contrer les positions de ses collègues. D’abord interdit de trade, puis soutenu du bout des lèvres, et donc moqué par ses collègues qui se faisaient beaucoup d’argent avec les crédits subprimes, il finit par être encore plus détesté lorsqu »il devient le seul trader à faire des bénéfices au moment de l’éclatement de la bulle. Je ne pensais pas être touché par un trader (surtout que lui, il a gagné de l’argent), mais Zuckerman rend extrêmement bien les sentiments de tous ces protagonistes.

Bref, je vous le recommande vivement, mais prévoyez de longues nuits d’hiver pour le finir. Ça tombe bien, il commence à faire nuit tôt…

PS : l’image est choisie à dessein. En effet, pendant la crise, le Secrétaire d’Etat américain au Trésor s’appelait Henry Paulson, ancien directeur de Goldman Sachs, et homonyme de John donc… Certaines coïncidences sont hallucinantes, et celle-ci est largement soulignée par Zuckerman.