When it rains…

Rest in power sur la facade de la cour suprême américaine
It pours.

Ruth Bader Ginsburg est morte.

J’ai vécu aux US entre 1994 et 1997, et j’y ai vécu les premières années de Ruth Bader Ginsburg à la Cour Suprême (elle y a été nommée par Clinton en 1993) – et accessoirement pendant la campagne pour la ré-élection de Bill Clinton. La période, couplée au fait que la majorité de mes amis de dorm (résidence universitaire) étaient en PoliSci (Sciences Po), m’ont fait m’intéresser énormément au système américain.

Je me doutais bien que les élections américaines allaient occuper mes préoccupations – et ce blog / podcast en cette rentrée

Roe v. Wade

Vous allez beaucoup entendre le nom de ce procès (Roe contre Wade, en français) dans les prochains jours, et sans doute jusqu’à l’élection américaine. Parce qu’aux US, le droit à l’avortement n’est pas une loi. C’est une décision de la Cour Suprême, qui fait office de loi… jusqu’à ce qu’une décision ultérieure l’invalide. On n’en a jamais été aussi proche. C’est aussi ce qui explique que certains états conservateurs aient fait passer des lois à leur niveau – ils essaient de provoquer un nouveau jugement de la Cour Suprême, qui pourra intervenir une fois que les autres recours (et ils sont nombreux, le système est un mille-feuille, même si bien rôdé) seront épuisés.

Petite parenthèse : Si vous souhaitez en savoir plus sur le système américain et surtout la femme exceptionnelle qu’était Ruth Bader Ginsburg, une des premières femmes diplômées de la fac de droit d’Harvard (la meilleure aux US), et qui s’est battu pour les droits des femmes toute sa carrière, je vous conseille le biopic « Une femme d’exception » (étrange traduction du titre anglais « On the basis of sex« ). Il est dispo jusque vendredi soir prochain sur Canal. Peut-être qu’ils vont réussir à le prolonger au regard de l’actualité.

Balance des pouvoirs

On connaît la séparation des pouvoirs Exécutif, Législatif, et Judiciaire, mais aux US, ils vont quand même un cran plus loin dans l’indépendance du judiciaire avec la Cour Suprême.

La Cour Suprême est composée de 9 juges, nommés à vie (même s’ils peuvent démissionner). Nombre impair, pour qu’il n’y ait jamais égalité des votes. Et les juges sont « marqués » politiquement. Ils ont souvent eu des carrières de juristes (avocat et/ou magistrat) qui ont pu lever le voile sur leurs positions sur des sujets de société. En plus, c’est le président qui les nomme, donc on imagine facilement qu’ils sont plutôt d’accord sur les grands sujets. Le président doit cependant les faire « valider » par le Sénat, ce qui complique un peu les choses quand ils ne sont pas du même bord politique.

Avec la mort de Ruth Bader Ginsburg (qui a quand même survécu près de 12 ans à un cancer du pancréas), le juge pour prendre ce siège vacant pourrait donc être nommé par Trump, ce qui ferait 6 républicains (ou nommés par des républicains) pour 3 démocrates (ou nommés par des démocrates). À noter, quand même, que parmi les 3 démocrates il y a 2 femmes, les 2 qui restent, toutes deux nommées par Obama.

Un beau bordel

La Cour Suprême n’a pas que statué sur l’avortement (en 1973). Elle a aussi invalidé le recompte des voix en Floride en 2000 (Bush vs. Gore), permettant l’élection de Georges Bush (senior). En 2015 (Oberfell vs. Hodge), elle a déclaré le mariage gay comme un droit constitutionnel en vertu du 14ème amendement.

En février 2016, quelques mois donc avant l’élection qui a vu Trump gagner son premier mandat, Anthony Scalia, juge conservateur – et accessoirement sans doute un des meilleurs amis de Ruth Bader Ginsburg, ou RBG, comme on l’appelle – est mort, donnant la possibilité à Obama – le président de l’époque – de nommer un remplaçant plus libéral. Les Républicains étaient montés au créneau, criant au scandale, exigeant d’attendre l’élection – qu’ils ont gagné donc. Et Trump a nommé un nouveau Justice conservateur.

Cette année, il reste à peine plus de 6 semaines, donc beaucoup moins que les 8 mois de 2016, et les Républicains… ont déjà annoncé que Trump allait tout mettre en oeuvre pour nommer quelqu’un qui serait confirmé par le Sénat (à sa botte) le plus vite possible. Trump sentait le coup venir, sa liste est prête depuis le 9 septembre. Les superstitieux diront qu’il a poussé RBG dans sa tombe. C’était d’ailleurs sa plus grande peur, à RBG, de mourir avant que le président ne change. Elle pressentait ce qui allait se passer.

Le coeur du sujet

Ça ne vous étonnera pas qu’au coeur du sujet se trouve le droit à l’avortement. Les Républicains veulent assurer un renversement de Roe vs. Wade – même si Trump est battu en Novembre. Avec un juge (très) conservateur de plus, ils peuvent tenir la chambre pour au moins encore 2 remplacements… Ce qui est long. Sans compter que le plus âgé des Justice à présent est aussi un libéral, nommé par Clinton (comme RBG), qui a 82 ans, soit 10 de plus que Clarence Thomas, nommé par Bush.

Le balancier de la justice américaine ne va pas être équilibré pendant un moment, si Trump arrive à une nomination avant Novembre – il a même d’ailleurs jusque Janvier, puisqu’aux US il se passe deux mois entre élections et prise de fonctions. Pour le président comme pour les sénateurs.

J’ai encore mal à mon humanité…

Pour vous abonner au podcast

Revues (et Corrigées) est disponible sur Apple PodcastsGoogle PodcastsSpotifyRadio PublicBreakerPocket Cast, Overcast, Anchor, Bullhorn, Podcloud et Podcast Addict

Si vous appréciez lire ce blog ou écouter le podcast, vous pouvez m’offrir un café ou une coupe de champagne. Et laissez moi un message quand vous le faites, que je puisse vous inviter à en boire un vrai en terrasse !

Photo by Andrew Kelly / Reuters sur Le Monde