Le temps long

tortue sur du sable
On a oublié ce que c'est, non ?

Depuis le début de la crise, que j’ai décidé pour des raisons de simplicité de placer au 17 mars, jour du #ConfinementSaison1 en France – et du redémarrage de Revues et Corrigées, j’ai l’impression qu’on court après le temps.

On court après les infos, on vit en temps réel, on a toujours l’impression d’avoir un train de retard sur un scoop, une mesure prise en deux-deux, un sale coup du virus qui attaquerait par la fenêtre quand on pense avoir fermé la porte, bref, on ne contrôle rien. On ne contrôle pas pas tout, on ne contrôle rien.

Dur dur d’être politique

Je n’aimerai pas être à la place de ceux qui nous gouvernent et qui ont donc la lourde responsabilité de faire au mieux pour le pays… Parce que nos institutions ne sont pas faites pour gérer le temps réel sur du temps long. Elles savent à peu près gérer du temps long sur du temps long. Elles sont plutôt efficaces pour gérer du temps court sur du temps réel comme dans les réponses aux catastrophes naturelles, par exemple. Mais elles n’ont pas l’habitude de gérer le temps réel sur du temps long.

Le temps réel, c’est le temps du médiatique. C’est le temps des réseaux sociaux. C’est le temps des réactions à chaud, dans l’émotion, avec seulement une partie des informations.

Bien sûr, le temps réel est nécessaire, parce que c’est le temps de la catastrophe. Mais le temps réel sur plusieurs mois, c’est inédit pour tout le monde.

Impatience et incompréhensions

Quand on ne supporte plus d’attendre, on devient donc impatient. Et j’entends, je lis, je vois dans les medias traditionnels ou alternatifs de nombreuses voix s’élever pour réagir encore, mais à d’autres catastrophes qui se préparent. Economiques, financières, sociales…

À quel moment on doit lever le nez de la catastrophe actuelle pour calculer celles qui se profilent si on ne change pas de trajectoire ? À quel moment on doit prendre le temps d’évaluer les conséquences à long terme des décisions d’aujourd’hui dont on pense qu’elles sont les meilleures pour le court-terme ? À quel moment on s’inscrit à nouveau dans le temps long, ou a minima on le prend en compte dans les prises de décision nécessaires pour gérer l’urgence ?

Faudrait-il rouvrir les commerces et les restaurants mais demander en responsabilité aux personnes fragiles de se protéger ? Faut-il au contraire protéger tout le monde, au maximum, maintenant, en espérant que les jours meilleurs ensuite permettront aux laissés pour compte économique de la crise de rebondir plus tard ?

Je n’ai pas de réponse à la question. Ou plutôt, j’ai des réponses différentes selon le moment de la journée, les arguments avancés, les émotions stimulées…

Résilience et hauteur de vue

Plus facile à dire qu’à faire, de trouver une réponse. Je suis d’ailleurs très admirative de tous les opposants, politiques, acteurs, commerçants, restaurateurs, quidam, ou militants, qui jugent les décisions prises en pensant savoir mieux que les gouvernants au pouvoir.

Ils alimentent donc le mal français : s’opposer, par principe, comme je le disais dans le dernier billet. Et on arrive même aux conspirations les plus burlesques – et non, je ne regarderai pas Hold-Up, et j’espère vous non plus.

Mais Cher-et-Tendre a déjà été appelé par un de ses collègues qui l’exhortait à le regarder « pour comprendre la vérité ». Donc maintenant, #LesGens, on les connaît. Ils se rapprochent…

Mais je reste admirative de ceux qui savent. Ce qu’il fallait faire. Ce qu’il fallait autoriser. Ce qu’il fallait interdire. Qui il fallait blâmer. Qui il fallait faire payer. À qui il fallait faire confiance… Vu que la plupart de ceux-là changent d’avis radicalement encore plus vite que le Président n’annonce de #ConfinementSaison2, je me dis que finalement, ils sont eux aussi rattrapés par le temps long. Ils sont en fait tous dans le même bateau entre eux, que nous, que moi. Même si on croit savoir à un moment donné, les faits suivants nous convainquent du contraire.

Au moins, ça me permet de ne pas oublier que je ne sais pas.

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