Polarisation

manifestations à Paris samedi 5 décembre
Quand je pense qu'on se moque des US...

Samedi 5 décembre avaient lieu des manifestations contre l’article 24, le fameux, mais pas que. Pour dénoncer ce qui apparaît aux yeux de certains comme une loi liberticide, contre la réforme de l’assurance-chômage, aussi je crois, et tout un tas d’autres revendications diverses et variées. J’avoue que j’ai un peu de mal à suivre, mais il y avait des Gilets Jaunes, des syndicalistes, des opposants à l’article 24, des opposants au port du masque, des opposants à la réforme du chômage, et j’en passe. Tout cela rassemblés dans une « Marche des Libertés ». C’est joli comme nom. Ça donne envie d’y aller. Qui pourrait être contre une « Marche des Libertés » ?

Perte de dialogue

Je ne nie pas qu’il y ait des principes immuables et des lignes rouges. J’en ai aussi. La non-violence fait partie des miennes. Le respect de l’autre même s’il n’a pas la même opinion que moi. L’écoute, l’échange, le débat.

Mais là, j’assiste depuis plusieurs jours – semaines – mois même, à une polarisation de la société française qui devient insupportable pour la citoyenne que je suis. Et inquiétant pour la mère que je suis.

On s’est beaucoup moqués des Américains qui étaient du côté de Trump et niaient la réalité du résultat des élections, mais là je me dis que c’est l’hôpital qui se fout un peu de la charité. L’opposition systématique est de mise, et sans aucune subtilité ou prise en compte de la différence entre le groupe et les individus.

Si on n’est pas contre, on est pour. Si on est pas contre tout, mais seulement critique ou dubitatif sur un bout, on devient un complice. Si on se permet de remettre en cause les méthodes de contestation – même si on est d’accord sur le principe de la contestation -, on est vendu. Si on essaie de montrer les incohérences des discours des opposants, on est réac.

Amalgame

Pourquoi ceux qui sont si véhéments à demander le #PasDAmalgame à juste titre sur certaines communautés mettent tous les policiers dans le même panier ?

Il existe évidemment des personnes qui ne respectent pas la loi et l’uniforme parmi les policiers. Qui abusent de leur pouvoir, qui ont des préjugés racistes, antisémites, ou xénophobes. Qui profitent de leur position pour laisser libre cours à leur agressivité.

Il existe aussi des manifestants qui ne viennent que pour casser, brûler, piller, pousser à la faute les forces de l’ordre exprès, et qui repoussent les journalistes qui essaient de filmer. C’est pas pour ça qu’on doit interdire toute manifestation.

Comme il existe des maris qui battent leur femme. C’est pas pour ça que je vais divorcer de Cher-et-Tendre.

Comme il existe des bouchers qui découpent mal la viande. C’est pas pour ça que je vais devenir végétarienne.

Comme il existe des coiffeurs qui ratent une coupe. C’est pas pour ça que je vais me couper les cheveux moi-même.

J’exagère ? Je mélange tout ?

À force de vouloir s’opposer sans se respecter, se battre sans s’écouter, on n’arrive pas aux compromis nécessaires au vivre ensemble.

À force d’en vouloir à l’ensemble des institutions sans discernement, il y a eu des violences contre des pompiers samedi 5 décembre.

À force de réclamer plus de libertés en empiétant sur celles des autres, il y a eu des commerçants qui ne pourront pas essayer de rattraper un peu leur chiffre d’affaires perdu du confinement avec les achats de Noël.

Je ne sais quoi penser

Sur la loi proprement dite qui propose de condamner la diffusion d’images de policiers non floutés à côté d’appels à la vengeance ou la violence. Sur les oppositions à des caméras ou drônes pour filmer des lieux publics par les mêmes qui ne veulent pas flouter les visages des policiers. Sur les pertes de libertés clamées par ceux qui empêchent en fait tout le reste de la population de sortir de chez eux les samedis…

C’est un sujet tellement polémique que j’ai longuement hésité à en parler. Mais je pense sincèrement faire partie de la majorité silencieuse, celle qui se pose des questions légitimes tout en essayant de faire la part des choses. Celle qui croit que brûler le mobilier d’une banque ne fera pas avancer le schmilblick d’un pouce. Celle qui souhaiterait que ceux qui organisent les manifestations aident à l’organisation de leur sécurité plutôt que de chercher à retourner les ripostes des forces de l’ordre attaquées contre elles.

Et puis après tout, j’ai bien envie d’organiser une opposition, moi aussi. Je me suis insurgée – en privé – sur la loi qui interdit les chaufferettes en terrasse en hiver. J’adore aller prendre un café en terrasse sous une chaufferette. Et je sais que c’est un plaisir auquel je n’aurai plus jamais accès. Mais je n’ai pas été casser un supermarché et brûler une banque pour autant. Ça soulage tant que ça ? Je devrai peut-être essayer, remarque…

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Illustration du Républicain Lorrain, merci !