Tous « Haut Potentiel Intellectuel » ?

Rubik's cube
Sérieux ?

Aujourd’hui j’ai 48 ans. C’est un peu bête, comme âge, 48. Comme chiffre aussi. 48. Ni rond, ni premier, ni même vaguement intéressant. 4 fois 12, à la rigueur. Et encore, est-ce vraiment un truc, 4 douzaines ? Parce que pour un âge, la douzaine, ça ne veut pas dire quand chose. On parle de décennie, souvent, mais de douzaine, quasiment jamais, non ?

Haut Potentiel Intellectuel

Alors comme souvent, le jour de mon anniversaire, je m’attarde sur les choses qui ont changé depuis mon enfance. Le chiffre de l’anniversaire vient clore une année qui s’est écoulée, pas en ouvrir une qui arrive, donc le regard vers le passé est logique, non ?

Et un des trucs qui m’a frappé cette année, c’est la recrudescence des HPI, l’acronyme de haut potentiel intellectuel.

Il y a 40 ans et quelques, on disait encore surdoué. Et ça n’était pas une bonne chose.

Aujourd’hui, tous les parents et grand-parents excusent des comportements juste et simplement grossiers en expliquant d’un air entendu : « c’est un HPI ». Depuis quand l’intelligence est devenue une excuse pour mal se comporter ? Et surtout, depuis quand tout le monde est haut potentiel ?

Haut Potentiel Intellectuel ET Hypersensible

Comme on ne peut pas vérifier la véracité – et difficilement remettre en cause les parents et grand-parents énamourés de leurs têtes blondes, rousses, ou brunes, on se retrouve à devoir vivre avec des comportements odieux sans pouvoir rien dire.

Et partout, on voit fleurir des HPI. Au début de ClubHouse, les HPI avaient leurs clubs et autres rooms dédiés à se plaindre en groupe de l’incompréhension du monde autour d’eux. Les hypersensibles, aussi. Parce qu’apparemment, beaucoup d’hypersensibles sont HPI, et beaucoup d’HPI sont hypersensibles. Pas tous, mais beaucoup.

Donc dès qu’on pleure devant un film, on est Haut Potentiel Intellectuel. Le raccourci serait risible s’il n’était pas inquiétant.

Un coup de pied au c…

Dans mon enfance, on n’avait pas le droit d’être hypersensible. On nous incitait même à arrêter notre sensiblerie. C’est pour ça que je peux en effet pleurer devant La Petite Maison dans la Prairie, ou plus récemment le moindre épisode de This Is Us, dans l’intimité de ma chambre à coucher, seule devant un écran, mais rester de marbre en comité de direction devant l’agressivité ou la bêtise abyssale de mâles quinquas blancs qui pensent tout savoir ou pire, de femmes blanches sexagénaires qui cherchent à nous en faire baver autant qu’elles en ont bavé, parce que pourquoi ça devrait être plus facile pour nous, d’abord ?

Dans mon enfance, on n’était pas Haut Potentiel Intellectuel, non plus. On était surdoué et on n’avait pas intérêt à la ramener, parce que c’était déjà suffisamment difficile comme ça d’être intégré en classe. On ne le disait pas. On le niait même quand le sobriquet nous était attribué par une nouvelle connaissance qui découvrait le fossé entre notre âge et notre niveau scolaire ou universitaire.

Dans mon enfance, il fallait être poli, courtois, ne pas faire de boudin, prêter à ses camarades, bosser, faire des efforts, changer son comportement, s’adapter au monde qui nous entourait, bref, tout l’inverse d’aujourd’hui, où c’est le monde qui est trop dur et qui doit s’adapter. Alors tout ce petit monde qui clame haut et fort être HPI et/ou hypersensible s’entend et se rassemble pour essayer de faire changer le monde qui les entoure et ne pas avoir à eux changer de comportement.

Dans mon enfance, on essayait de changer le monde sur des injustices profondes comme avec SOS Racisme ou Act Up (à la grande époque). À présent, on fait de la cancel culture sans perspective historique ni reconnaissance des avancées faites, et on crie au scandale non inclusif quand il y a des chiffres romains dans le titre d’un tableau. Et on se bat pour faire accepter des comportements inacceptables, donc.

On met des horloges digitales parce que les enfants n’ont plus envie, ou le temps, ou les neurones pour apprendre à lire l’heure aussi. Mais ils sont Haut Potentiel Intellectuel, les petits chéris, alors il ne faut pas y aller trop fort et surtout pas les obliger à apprendre des choses d’un autre âge, la vie peut être plus douce sans les aiguilles d’une horloge, c’est pointu les aiguilles, d’abord.

On n’est plus à une incohérence près

On est déjà nuls en éducation – le seul système français qui n’a pas évolué de toute la Vème République, à part pour petit à petit alléger le programme, diminuer les exigences, et simplifier l’orthographe.

On va arriver à avoir les gens intelligents les plus incultes, à force. Mais avec fierté.

Bon, je m’arrête là.

Et oui, je sais, j’exagère et je suis un peu de mauvaise foi.

Mais c’est mon deuxième anniversaire confinée alors j’ai le droit. Et puis je suis hypersensible alors venez pas m’embêter, OK ?

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Photo by Olav Ahrens Røtne on Unsplash

3 commentaires

  1. Bonjour,
    Point de vue intéressant.
    Nous avons deux enfants diagnostiqués Zebres (je n’aime pas HPI) et ma sœur s’est dit que son enfant un peu trop réfractaire au système scolaire devait en être aussi. Le résultat du test a été violent pour elle.
    Bref il est plus simple d’annoncer des compétences même imaginaires que d’aller diagnostiquer son enfant en étant prêt à entendre la réponse.

    • C’est vrai que Zèbre est plus joli. J’ai d’ailleurs fait attention à ne pas l’utiliser dans ce billet 🙂

Les commentaires sont fermés.