Une légende, un grand monsieur, l’homme aux mille vies… On a tout entendu depuis l’annonce de la mort de Bernard Tapie il y a quelques jours. Et même quand on parlait de son caractère, des « affaires », des dérapages… c’était avec bienveillance. Avec des explications. On lui pardonnait tout.
Pourquoi il faut mourir pour que tout le monde vous aime ?
Femme des années 90
Je ne suis pas exactement une femme des années 80, j’ai eu mon bac en 1989, même si j’ai chanté Sardou (en alternance avec les Lacs du Connemara) à plus d’une soirée étudiante.
Tapie, c’était « l’américain » à mon époque. Il était clivant à une époque où tout le monde était lisse. Il polarisait avant même qu’on n’ait Internet, et encore moins les réseaux sociaux. Il était cash comme Marchais, malin comme Sarko, pragmatique comme Rocard…
Il a aussi quasiment inventé le rachat pour 1 franc symbolique. Il a fait des promesses qu’il n’a pas réussi à tenir. Il a mélangé les genres avant que ce ne soit à la mode, comme Noah chanteur ou Zemmour candidat supposé à la présidentielle.
La mort de Bernard Tapie, c’est la fin d’une époque révolue, celle où les femmes portaient du rouge Gemey-Maybelline comme dans le clip de Robert Palmer. Et pourtant, Petit d’Homme, 10 ans, savait qui il était. Il avait traversé les époques comme les vies…
Frôler la ligne rouge
Bernard Tapie, c’était l’exemple même du mec qui joue, et qui parfois perd. Vu qu’il jouait gros, qu’il parlait fort, et qu’il dérangeait la société bien plan plan des années 80 et 90, forcément, quand il perdait, il perdait gros aussi. Les peines étaient parfois bien difficiles à relier avec la gravité des faits.
En fait, Bernard Tapie, c’est le dernier homme connu dont on acceptait la complexité. Ni ange, ni démon, pétri de contradictions, passant par des hauts et des bas, tout sauf lisse, quoi.
Tout le contraire d’aujourd’hui.
La nature humaine
Parce que je ne crois pas un instant que l’homme ou la femme soit absolument parfait. J’ai en tête quelques noms de personnes parfaitement et absolument abjectes, mais parfaits, moins. Le Dalai Lama et Gandhi, bien sûr. Mère Teresa, à la rigueur. Mais pas vraiment des gens qu’on imagine vivre dans notre présent.
La valeur du doute
Et pourtant, notre présent n’a jamais été aussi complexe. Notre avenir n’a jamais été aussi peu certain. Pourquoi on voudrait que des hommes et des femmes soit pétris de certitudes avant de leur confier un mandat politique, un maroquin ministériel, ou les rênes d’une entreprise ?
Attention, le doute ne doit pas obérer l’action. Mais il doit permettre de garder l’esprit suffisamment ouvert pour changer de direction quand une nouvelle information arrive.
Le règne des hyperspécialistes
Parmi ceux qui doutent peu, voire jamais, on a aussi les experts. Mais c’est dangereux de laisser les experts décider, non ?
Par exemple, vous avez mal au ventre, si vous allez voir un chirurgien (un expert, donc), il va vouloir vous opérer. Alors que votre généraliste, lui, il va douter, il va explorer, il va envisager des diagnostics dont le remède est peut-être chirurgical, mais pas que.
C’est pareil en entreprise, bien sûr. On va direct voir le consultant qui promet des résultats fabuleux en 5 minutes avec une méthode éprouvée, que celui qui dit avoir besoin de regarder l’ensemble de l’entreprise et qu’il faut du temps.
Ce rapport au court-terme, qu’on retrouve aussi bien sûr dans notre attention limitée – on zappait à l’époque de Bernard Tapie, aujourd’hui on scrolle -, est pour moi un des plus grands dangers de l’humanité à ce jour. Si on ne se préoccupe que des shots de dopamine à recevoir dans les 5 prochaines minutes, la planète n’est pas prête d’être sauvée…
Lundi blanc
On parle de jour noir quand il y a un drame, comment on appelle un jour béni où il s’est passé un truc génial ? Parce que la lueur d’espoir de cette semaine, c’était quand même le sevrage forcé pendant 6h de l’humanité toute entière. Plus d’accès au biberons de la maison Facebook, y compris donc Instagram et WhatsApp.
On a bien rigolé sur Twitter, à voir débouler des gens paniqués qui ne savaient plus à qui parler sans. Ou qui ne savaient plus où poster la photo de leur commande au restau. Ou de leur nouvel achat de fringues.
À croire que Bernard, à peine arrivé là-haut, avait déjà commencé ses facéties.

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