Fesse de bouc

You've been zucked

Je traîne des pieds. Je procrastine. J’y pense, et souvent. Mais je n’y arrive pas.

Ce n’est pas que j’ai peur de manquer une info, non. Je n’y avais quasiment plus jamais. Mais au fil des ans, c’est devenu un tel carnet d’adresses que j’ai peur de perdre le contact avec des gens que j’aime – et que je ne vois ni n’appelle ni ne contacte souvent. Mais je sais que je peux si je veux, ou si j’ai besoin.

Bref, je n’arrive pas à quitter Facebook.

14 ans

Je me suis inscrite sur Facebook à l’été 2007. J’avais déjà été inscrite sur Friendster au début des années 2000, et j’y avais trouvé peu d’intérêt, sans doute parce qu’à l’époque mes amis français n’y étaient pas. Mais Facebook, j’avais adhéré tout de suite.

J’ai rencontré Cher-et-Tendre cette année-là, donc je l’ai embarqué dans l’aventure. On s’est même assez vite déclaré « en couple », la consécration sociale ultime de l’époque, qui doit bien faire rire les millenials plus fluides que nous sur ces sujets.

J’ai reconnecté avec mes potes du MBA américain (on ne s’était pas vus depuis 1997 pour la plupart). J’ai pu observer les photos de mon ex-fiancé et de l’ex de Cher-et-Tendre (que celui qui n’a jamais fauté, toussa toussa). J’ai joué à Farmville. Beaucoup. J’ai patiemment taggé tous les membres de ma famille (enfin à l’époque il n’y avait que mes cousins cousines, les générations plus anciennes n’y sont venues que plus tard).

J’ai répondu à des tonnes de questions aussi inintéressantes les unes que les autres mais qu’on me posait à moi, alors c’est que je devais être importante, non ? J’ai indiqué des livres que j’aimais. J’ai lié mon compte Foursquare et publié quand je devenais maire d’un endroit. J’ai mis ma citation de film préférée. Elle y est encore, d’ailleurs.

Désenchantement

Et puis petit à petit, je suis moins venue. J’ai d’abord moins publié. Le mariage ? Quelques photos, c’est tout.

À la naissance de Petit d’Homme, pas de photos. À peine quelques clichés réservés à des personnes choisies. J’ai été élevée par des parents très respectueux de nos vies privées (ils n’ont jamais ouvert mon courrier, du moins que je sache), et je ne voulais pas qu’un jour mon fils m’en veuille parce que un patron / un ami / une fiancée (ou un fiancé) / un collaborateur avait retrouvé des photos de ses fesses roses à quelques mois. C’est intime, les fesses roses.

On commençait déjà – il y a 10 ans, donc – à parler de la mémoire du Net. De l’utilisation possible des données qu’on entrait sans réfléchir. De la pub qui commençait à prendre de l’ampleur, et avec elle son lot d’arnaques.

Alors je me suis éloignée. J’allais de temps poster quelques photos jolies, d’endroits jolis, histoire de montrer que moi aussi j’avais une vie jolie. J’allais aussi beaucoup lire les posts de mes connexions, commenter ici et là pour me rappeler à leur bon souvenir.

C’est tellement plus facile d’avoir une conversation sur tout et rien devant tout le monde que de prendre des nouvelles en direct et en particulier.

Accélération

De fil en aiguille, mes posts se sont espacés jusqu’à ne plus être que ceux qui parlent du podcast – ou de temps en temps de la newsletter. En tous cas sur Facebook et Instagram.

Aujourd’hui, si je quitte Facebook, ce blog et podcast perdront leur canal de communication. Non pas que j’y ai des tonnes d’abonné·e·s, mais quand même un peu.

Je passe de moins en moins souvent sur le fil d’actualité. Mes commentaires et likes se font de plus en plus rares.

Il reste bien quelques groupes qui m’intéressent – pro, majoritairement, mais j’arrive soit à m’en passer, soit à participer à la communauté sur un autre canal.

Je reste intéressée par Messenger. Pas pour les messages de groupes non sollicités, mais pour les messages directs avec ces gens de ma vie dont je n’ai ni l’email, ni le numéro de téléphone. Je pourrai leur demander, ils me les confieraient sans problème, je pense. Mais c’est un travail de fourmi et de titan, alors je flemmardise.

Quant à WhatsApp, je ne me vois pas faire migrer tous les groupes bénévoles, pros, ou perso auxquels je participe.

Faire des choix

En fait, je crois que je suis dans la nostalgie de ce temps béni où Facebook c’était des amis et du fun. De ces années de découverte des réseaux sociaux, de ces moments de partage virtuels où on découvrait qu’une vague connaissance avait aussi adoré tel ou tel livre et que des conversations passionnantes s’ensuivaient.

Choisir, c’est renoncer. Je n’arrive pas à renoncer à Facebook, encore. Je me trouve des excuses, bien sûr. Je pourrai récupérer les numéros qui me manquent. Je pourrai le faire en progressif et garder WhatsApp, voire même Instagram.

Je connais des gens qui l’ont fait, et bien avant toutes les révélations soit-disant fracassantes qui ne sont en fait que des confirmations de ce qu’on pressentait depuis longtemps. Je les admire.

Je n’y arrive pas.

Je me dis que j’ai une consommation raisonnée, que je suis consciente des dangers, et que c’est déjà ça.

Oui, je sais je suis dans le déni depuis plus de 10 ans que je me pose la question. Mais les yeux ouverts.

Photo by Unsplash


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