Bienvenue en Belgique

Hier soir, journal de France 2 avec Cher-et-Tendre. Qui parle beaucoup de la Coupe du Monde, bien sûr. Et qui annonce au détour d’une brève, que demain (aujourd’hui, donc, vous suivez ?) se déroulent les élections législatives belges. Moins de 5 minutes (mais quand même avec un correspondant à Bruxelles). C’est peu. Parce que en fait, ce qui se passe en Belgique, non seulement c’est important, mais l’heure est grave.

Je sais pas vous, mais moi je trouve cela compliqué les élections en Belgique. Entre les flamands, les wallons, Bruxelles, les extrémistes virulents, les noms presque aussi imprononçables que le volcan islandais… Pourtant, j’essaie de suivre. D’abord, parce que la Belgique, c’est pas loin. En plus, Cher-et-Tendre est belge. Ensuite, parce qu’apparemment l’heure est grave. Parce que les indépendantistes flamands sont donnés gagnants dans les sondages.

Bon, d’abord, quelques grands principes des élections belges. Pour ceux qui ne le savent pas, la Belgique a un système un peu équivalent au Royaume Uni, c’est le leader du parti qui arrive en tête des législatives qui est nommé Premier Ministre. Ensuite, la Belgique est un Etat fédéral, composé de 3 régions : la Flandre, au Nord (et non au Sud comme un amusant infographiste de TF1 a essayé de nous faire croire, le coquin), la Wallonie au Sud, et Bruxelles-Capitale, située sur le territoire de la Flandre (au Sud du territoire du Nord, donc, vous suivez ?) mais avec un régime particulier (entre autres, Bruxelles-Capitale est une région bilingue, dite « à facilités linguistiques », genre tu peux remplir tes papiers administratifs en français, trop cool, non ?).

Et encore, je vous épargne la carte avec les provinces de chaque région (à moins que ce ne soit les régions de chaque province ?)

Une des raisons pour lesquelles c’est si compliqué à comprendre de notre côté de la frontière, c’est entre autres parce qu’ils ont encore plus de partis politiques que nous, c’est dire. Parce que tout est séparé entre Flandre et Wallonie. Pas de lien entre par exemple, les socialistes flamands et la même mouvance en Wallonie. Tout est lu / fait / écrit / pensé à l’aune de la région. Même le parti PP, Parti Populaire, ouvertement pour une fédéralisation des partis politiques (et formation créée il y atout juste 6 mois) ne présente des candidats qu’en Wallonie et à Bruxelles. C’est pas gagné…

Donc, le Premier Ministre est le leader du parti majoritaire au Parlement. Sauf que vu leur nombre de partis, ils doivent former des coalitions pour avoir la majorité absolue. On se souvient qu’en 2007, ils avaient mis 6 mois avant que Yves Leterme ne soit nommé…

Les séparatistes flamands, menés par un certain Bart de Wever, souhaitent l’autonomie totale de la Flandre. En Flandre, les différents pouvoirs locaux ont déjà réussi à imposer une préférence linguistique (sous-entendu : si tu parles pas flamand, tu peux pas) pour par exemple devenir propriétaire en Flandre. J’ai essayé de chercher une analogie si cela devait se passer en France, mais j’ai peur d’écrire ce que j’ai trouvé tellement ça sonne raciste et discriminatoire, c’est dire.

En plus, ce fameux M. de Wever, il dit que si son parti gagne, il ne voudra pas être Premier Ministre. Ça tombe bien, parce qu’avec 26% dans les sondages et l’animosité d’à peu près tous les partis wallons, il aurait du mal à être élu par le Parlement de demain. Mais n’importe qui d’autre aura aussi du mal à être élu Premier Ministre sans les voix de Nouvelle Alliance Flamande (N-VA en flamand dans le texte), le parti de M. de Wever. Et pour avoir les voix de N-VA, il faudra sans doute leur concéder quelques trucs. Par exemple le non-élargissement , voire le rétrécissement de la zone dite « à facilité linguistique », autour de Bruxelles et ses communes. Donc on risque d’arriver à un stand by.

En 2007, le stand by (et la constitution d’un gouvernement) avait duré 6 mois, et, de mémoire, ne s’était arrêté que sur intervention du Roi (qui nomme officiellement le Premier Ministre, comme au Royaume Uni je vous dis, ou presque). Sauf que les 6 mois qui viennent, ce sont les 6 mois pendant lesquels la Belgique assure la Présidence de l’Union Européenne (à partir dur 1er Juillet prochain). Donc le pauvre Yves Leterme n’est pas prêt de laisser son poste, parce qu’il ne peut pas le laisser vacant, et ça a l’air parti pour un joli bras de fer… Mais bon, quand on est Premier Ministre de la Belgique et qu’on chante la Marseillaise quand un journaliste vous demande de chanter l’hymne national du Royaume (un moment qu’aucun Belge, flamand ou wallon, n’est prêt d’oublier et on les comprend), on récolte ce que l’on a semé…

C’est quoi le scénario catastrophe ? Ironiquement, les Belges le connaissent bien parce que le 13 décembre 2006, la RTBF (1ère chaîne belge) diffusait (sans prévenir pendant les 30 premières minutes, une éternité) un docu-fiction extrêmement réaliste, démarrant par un journal télévisé « édition spéciale » annonçant que la Flandre venait de s’auto-proclamer indépendante. Je vous ai retrouvé les premières minutes sur Youtube, l’émission dans son intégralité est disponible est 11 parties, et je vous les recommande, ça vaut le détour…

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=s_PhaATVkuQ]

De plus, la France est particulièrement concernée par les élections belges. Outre le fait que c’est un de nos voisins les plus proches (et même frontaliers), les Wallons pourraient envisager de demander un rattachement à la France si la Flandre venait à auto-proclamer son indépendance, ou tout du moins, de resserrer encore plus les liens.

J’ai essayé de taper « élections belges » sur Google, en pensant ne tomber que sur des articles de médias belges, tellement nos journaux télévisés sont passés très vite sur le sujet, les vuvuzelas étant sûrement beaucoup plus « viewer-friendly » que ces gens qui se battent dans des langues incompréhensibles pour des raisons qu’on ignore. Mais non. Le Monde, TF1, France Info, Slate, @si, tous les médias traditionnels ou pas ont leurs articles sur le sujet, et certains même plutôt didactiques, c’est dire.

Allez, pour la route, la chanson dont vient le titre de mon billet, par un rappeur belge (d’après ce que je sais assez connu quand même), qui rappelle que en plus, c’est pas comme si il n’y avait pas déjà d’autres problèmes urgents à résoudre au-delà de leur vision de l’identité nationale…

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=MvfYxmD0L3E]

En espérant que ce soir, pour nos journaux télévisés, les résultats soient quand même plus importants que le foot…

Addendum : un interview assez didactique sur les élections belges, qui permet de bien comprendre comment ça marche et quels sont les enjeux.

Addendum 2 : un lecteur me signale cet interview d’un député européen belge, moins pessimiste…

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