Et pas la claque dans le sens que le public a applaudi sur commande. Non, la claque, la vraie, celle à laquelle on ne s’attend pas.
Parce que franchement, je ne m’y attendais pas. Je ne suis pas fan de Cloclo, j’avais pas 5 ans quand il est mort, et mes parents ne l’écoutaient pas. Autant je me rappelle très bien de la mort de Georges Brassens en 81, autant je n’ai aucun souvenir de celle de Cloclo. J’ai découvert ses chansons sur le tard, à l’adolescence, en dansant sur Alexandrie ou Magnolia à l’époque des boums surannées où on baissait les volets en pleine après midi pour mieux voir la boule à facettes, et on buvait du Fanta. Plus vieille, j’étais fière que ce soit le chanteur originel de My Way. Ça leur en bouchait un coin, à mes potes de fac américains.
Donc, pas d’envie folle de voir Cloclo, le film. Pas mécontente non plus, mais j’avais soigneusement évité les interviews et autres passages au JT de 20h, histoire de ne pas être lassée avant l’heure. Je savais qu’il y avait ses fils derrière, donc j’avais un peu peur que le film soit biaisé envers leur mère. J’ai pas pu éviter de voir la bande-annonce, inévitable avant un replay de Top Chef, et je m’étais dit que ça allait loin dans le côté obscur. J’avais peur des longueurs, aussi, 2h38, quand même.
La claque, donc. Parce que le film n’est ni obscur, ni gai. Ni emphatique, ni dénigrant. Émouvant juste ce qu’il faut sans tomber dans le pathos (rappelez-vous de cette ligne quand vous verrez la larme au coin de l’oeil de Benoît Magimel vers la fin). Avec un casting impeccable, d’Isabelle à France Gall en passant par Janet, Jojo, ou Choufa, un Benoît Magimel étonnant, et un Jérémie Rénier plus que bluffant. Qui fait oublier l’acteur. Qui fait revivre l’artiste, l’homme, le torturé…
Un choix de réalisation intelligent en plus. C’était la première fois que je voyais un film de Florent-Emilio Siri, mais je doute que ce soit la dernière.Un scénario sans longueur, avec des accélérations non seulement bien placées mais joliment construites. Un rythme soutenu, mais pas trop. Des chansons placées intelligemment aussi. On n’est pas dans une comédie musicale, on n’est même pas dans une anthologie de la discographie d’un des chanteurs français les plus populaires de tous les temps. On en vient même à se dire qu’il en manque, des chansons. On ne voit pas le temps passer.
Si comme moi, vous n’avez pas tout vu tout lu tout su sur Cloclo, vous allez en plus apprendre des trucs. On savait qu’il avait importé plein de choses, des mouvements de danse au son Motown à la disco en passant par les micros sans fil, qu’il avait lancé Podium, qu’il avait un Moulin, mais qui se souvient qu’il avait aussi lancé une agence de mannequins ? Créé un parfum unisexe ? Photographié des jeunes femmes dévêtues ? Lancé un magazine concurrent de Lui ? Joué les Hugh Hefner en jet privé ou au bord de sa piscine à 1h de Paris ?
Ah, cerise sur le gâteau, l’acteur américain qui joue Sinatra est une de mes gueules préférées des US. Robert Knepper. Utilisé à contre-courant de ses rôles habituels de pervers tourmenté. Du génie, d’avoir pensé à lui pour ce caméo. Même le casting est impeccable, j’vous dis !
Ça fait longtemps que je n’avais pas été bluffée par un film à ce point. Là, je suis tombée dans le travers que j’avais réussi à éviter pour moi-même : être dithyrambique et prendre le risque que vous soyez déçus en le voyant.
Mais j’en doute.
A ce point? Je suis étonnée, mais après tout why not…
Oui, à ce point… Tu me diras ce que tu en penses ?